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Cours de philosophie pour les élèves des classes de terminale technologique


La distinction des désirs chez Epicure

Publié par NL sur 12 Août 2015, 10:40am

Catégories : #bonheur, #Epicure, #désir, #liberté

Peut-on considérer que le bonheur consiste dans la satisfaction de tous nos désirs ? Ou bien encore, que la liberté totale implique de donner libre cours à tout désir, quel qu'il soit ?

Ce n'est pas parce que nous trouvons en nous nombre de désirs insatisfaits, sentant que le bonheur implique de les satisfaire, que nous pouvons en conclure qu'il est essentiel pour être heureux de satisfaire en nous tous nos désirs. Car ces désirs, sont-ils équivalents ? Certes non, et nous le savons: certains souhaits, certaines envies nous tiennent davantage à cœur, leur satisfaction nous importe davantage. Mais ce n'est pas tout. Ce n'est pas simplement en degrés qu'il y a de la différence entre nos désirs, mais c'est aussi en nature. Il y a donc non seulement une différence de degrés entre nos désirs (certains nous important plus ou moins que d'autres), mais aussi une différence de nature entre certains de ces désirs (certains étant d'une nature différente de celle d'autres désirs).

Ainsi par exemple, mon désir de faire plaisir à un proche est plus intense que mon désir de faire plaisir à une personne que je ne connais pas ; il n'y a sans doute pas de différence entre ces désirs, si ce n'est d'intensité, c'est à dire de degrés. C'est aussi parce qu'il en va naturellement ainsi que de nombreuses morales encouragent l'amour du prochain (contrepoids de cette tendance à tirer davantage satisfaction du bien que nous faisons aux autres à mesure qu'ils sont plus proches de nous).

A l'inverse, entre l'ivrognerie, c'est à dire le désir immodéré de boire des boissons alcoolisées, et le besoin de boire un verre d'eau lorsque l'on a soif, la différence n'est pas de degrés, mais bien de nature. L'ivrogne peut sans doute sentir qu'il lui importe davantage de boire un verre de plus, que d'étancher sa soif, et donc marquer sa préférence pour son rhum préféré. Il n'importe : la différence de nature tient au fait qu'entre ce désir (de l'ivrogne) et cet autre, l'un apparaît comme un luxe (celui de l'ivrogne) quand l'autre apparaît comme tout naturel.

C'est cette distinction entre désirs que le philosophe grec Épicure (341-270 av. J.-C.) nous invite à faire, dans sa Lettre à Ménécée.

Il faut se rendre compte que parmi nos désirs les uns sont naturels, les autres vains, et que, parmi les désirs naturels, les uns sont nécessaires et les autres naturels seulement. Parmi les désirs nécessaires, les uns sont nécessaires pour le bonheur, les autres pour la tranquillité du corps, les autres pour la vie même. Et en effet une théorie non erronée des désirs doit rapporter tout choix et toute aversion à la santé du corps et à l'ataraxie de l'âme, puisque c'est là la perfection même de la vie heureuse.

Epicure, Lettre à Ménécée, trad. O. Hamelin, 1910

La distinction des désirs chez Epicure

ÉPICURE (341-270 av. J.C.) Né dans l'île de Samos, la décadence du monde grec après les succès d'Alexandre le Grand le pousse à prôner un repli sur la vie intérieure. Il fait l'acquisition du Jardin, près d'Athènes, en 306, où il vit entouré d'amis, loin de la vie politique.

Si la philosophie morale d’Épicure est un hédonisme (de hêdonê, en grec, "plaisir"), c'est à dire une doctrine du bonheur qui fait consister ce bonheur dans la satisfaction des plaisirs, cette épicurisme n'est pas un apologie de la jouissance et de la démesure.

C'est précisément dans cette distinction des désirs que consiste cet hédonisme bien compris ; le remède que prône Épicure pour atteindre l'ataraxie, c'est-à-dire, l'absence de troubles de l'âme, passe par la lutte contre les craintes vaines et les superstitions qui s'emparent de nos esprits du fait de leur ignorance. Ce qui fait le malheur de l'homme, c'est en effet davantage les opinions tristes que les hommes ont, que les choses elles-mêmes. Pour être heureux, il ne faut plus être troublé par ces opinions fausses, ce pourquoi la recherche du bonheur, avant toute réalisation des désirs, est d'abord une voie négative : ne plus être exposé aux opinions fausses qui font notre malheur. C'est que le bonheur est d'abord absence de malheur. La croyance dans un dieu compris comme "trop humain" (qui serait à craindre et que l'on pourrait influencer) ou la croyance dans une vie après la mort sont de telles craintes infondées. Pour Epicure, ni les dieux, ni la mort ne sont à craindre : les premiers parce qu'ils sont indifférents (nous ne pouvons les influencer, pas plus qu'ils n'ont souci de nous), la seconde parce qu'elle n'est "rien pour nous".

La distinction des désirs chez Epicure

La distinction des désirs

Dans le texte cité, Epicure distingue ainsi quatre à cinq types de désirs, selon une série de distinctions:

- d'un côté, des désirs naturels,

- de l'autre, des désirs vains.

Parmi les désirs naturels, les uns sont nécessaires, les autres non ("naturels seulement").

Parmi les désirs nécessaires (ou naturels et nécessaires), les uns sont nécessaires pour la vie elle-même (par exemple, étancher sa soif) ; d'autres sont nécessaires pour la tranquillité du corps (par exemple, avoir une activité physique) ; d'autres encore sont nécessaires au bonheur (par exemple, l'amitié).

Par ailleurs, nous considérons l'autosuffisance elle aussi comme un grand bien, non pas dans l'idée de faire avec peu en toutes circonstances, mais afin que, dans le cas où nous n'avons pas beaucoup, nous nous contentions de peu, parce que nous sommes légitimement convaincus que ceux qui ont le moins besoin de l'abondance sont ceux qui en tirent le plus de jouissance, et que tout ce qui est naturel est facile à acquérir, alors qu'il est difficile d'accéder à ce qui est sans fondement.

Epicure, Lettre à Ménécée, trad. P.-M. Morel, GF, 2011

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